Interview: Tout quitter et partir en van
übuntu: Hello Margaux et Louis. Merci de nous partager votre histoire! Est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter tous les 2: qu’avez-vous fait comme études, pourquoi et ce que vous faisiez dans la vie jusqu’à quitter votre boulot?
Hello Cha! Merci de prendre le temps d’en apprendre un peu plus sur notre projet. On est toujours très content de pouvoir le partager.
Alors, j’ai (Margaux) fait mes études à HEC-Liège en tant qu’Ingénieur de Gestion. Louis, lui, a d’abord réalisé son bachelier en Technico-commercial pour ensuite se spécialiser dans le milieu financier. D’une manière générale, nous ne savions pas réellement ce que nous voulions faire dans la vie, donc des études commerciales nous semblaient être propices pour des indécis dans notre genre. De plus, on nous répétait sans cesse que HEC pourrait nous ouvrir toutes les portes possibles et inimaginables donc on s’est vraiment dit “ pourquoi pas? ”.
La particularité de notre projet est qu’il avait déjà mûri dans nos têtes avant la fin de nos études. On a donc choisi un boulot que nous savions temporaire pour pouvoir économiser de l’argent pour l’aménagement du van et aussi le voyage en lui-même. J’ai donc travaillé 1 an et demi à l’Université de Liège en tant que gestionnaire de projet pour la Plateforme Covid-19 et Louis a travaillé chez Belfius en tant qu’analyste pendant près de 9 mois.
Comment et quand ce projet de voyage en van est-il arrivé dans vos vies? A quel moment avez-vous décidé de vous lancer et de franchir le cap de partir?
En revenant de mon Erasmus, j’avais un goût de trop peu et un retour à la réalité très compliqué à la maison. A partir de là, je n’avais qu’une seule envie, c’était de repartir. Mais dans quelles conditions? Avec quel projet? Avec l’arrivée du Covid début 2020, les envies de voyage sont devenues un peu floues et presque inatteignables. Après le premier confinement et notre remise de mémoire, on a décidé avec mes deux meilleurs potes d’aller prendre l’air en Croatie et de partir faire ça en van ! Après deux semaines de roadtrip, je suis revenue en Belgique et j’ai annoncé à tout le monde que j’allais acheter un van et partir à travers l’Europe pendant un an. Ils m’ont tous regardé comme une folle et ne me croyaient absolument pas haha. Jusqu’au jour où Louis m’a dit : “ Ok, on le fait ensemble mais à une seule condition : on fait l’Europe puis on va en Afrique”.
De là, on a commencé à se renseigner sur toutes les questions pratiques: quel type de van acheter, que regarder lorsqu’on va voir un véhicule, quelles informations importantes il faut demander,... Autant te dire que c’était très folklorique car nous n’avons aucune connaissance en mécanique ! On adorait les vieux véhicules de par leur design et aussi leur robustesse. De là, on est tombé amoureux d’un vieux Mercedes 609D de 1990 qu’on appellera plus tard Gustave aka notre gros gusgus.
Comment vos proches ont-ils réagi à cette annonce? Parce que c’est quelque chose d’énoncer une envie mais ça en est une autre de passer à l’action…
En fait, franchir le cap et acheter le van, ça n’a vraiment pas été simple. En plus de nos propres doutes et également le fait qu’on allait engager notre propre argent pour la première fois de notre vie, nous nous sommes également confrontés à l’avis de notre entourage. C’est assez difficile parce que nous avions déjà nos propres peurs, nos propres doutes et là, ils se sont mélangés à ceux de nos proches. On ne savait plus quoi faire ni penser. C’était vraiment très compliqué de savoir si nous prenions la bonne décision ou si nous étions juste fous de vouloir essayer (en plus de cela, il y avait toujours l’incertitude de la situation sanitaire qui planait au-dessus de nos têtes). Après une hésitation de près de 2 mois, nous passons le cap et nous allons chercher notre Gustave aux Pays-Bas fin février 2021. On était comme des gosses de 10 ans dans un magasin de bonbons, c’était génial.
Quelles ont été vos plus grosses galères? Comment êtes-vous passés au dessus?
Alors les galères, on peut dire qu’on les collectionne haha. Autant sur le plan matériel que sur un plan plus mental. D’abord, on a décidé qu’on voulait réaliser l’aménagement de A à Z nous-même. C’était pour nous le seul moyen de réellement savoir comment tout était construit et de savoir comment régler un problème lorsqu’il surviendrait. Évidemment, déjà à partir de là les galères ont commencé car on a tous les deux deux mains gauches et zéro connaissance dans tout ce qui est manuel. On a donc déjà failli se démotiver et ne pas continuer mais jusqu’à présent on tient bon !
Du côté de la faute à pas de chance, le van s’est retrouvé pris dans les inondations en juillet 2021. L’eau avait atteint 1,5 mètre de haut là où se trouvait Gustave. Par chance, notre gros est très haut sur pattes et nous avons pu le faire démarrer assez rapidement pour qu’il aille directement au garage. Même si on a récupéré le van plus ou moins dans l’état dans lequel il était auparavant, on a pris beaucoup de retard sur le chantier et certains problèmes sont arrivés après (rouille, changement de plancher, etc). Croisons les doigts que d’autres surprises n’arrivent pas après!
Un autre type de galère à laquelle on pense est plutôt du type mental. C’est très compliqué d’avoir un projet différent du schéma “classique” de la société. Même si les temps changent, on s’est vite rendu compte qu’en réalité lorsque tu as un projet qui diffère, les gens ont du mal à accepter que tu ne veuilles pas forcément rentrer dans les cases que t'impose la société. Que ce soit par peur ou par incompréhension des autres, tu es toujours obligé de justifier tes choix alors que si tu décidais de rester en Belgique, d’acheter une maison et de fonder une famille, personne ne te demanderait rien et tout le monde te féliciterait. Evidemment, ce n’est pas le cas de tout le monde, nous avons des personnes qui nous soutiennent à 100% et qui se réjouissent pour nous!
Voyez-vous un changement dans votre vie depuis que vous avez pris la décision de partir/quitter votre job? Lequel?
On est beaucoup plus fatigué depuis qu’on a arrêté de travailler haha. On se lève tous les matins tôt et on rentre tard pour pouvoir terminer le van le plus rapidement possible. Au final, nous avons quitté notre boulot pour un autre. La seule différence c’est qu’on dépense de l’argent plutôt que d'en gagner ! Mais on gagne énormément sur d’autres plans, autres que financier. Un exemple simple est que maintenant on sait découper du bois, assembler des meubles, se servir d’une visseuse ou d’une foreuse, faire les raccordements d’eau et de gaz, on a même dû couper du béton avec une scie circulaire, pour te dire!
Finalement, notre vie actuelle au quotidien n’a pas changé drastiquement. On va bosser tous les jours de la semaine comme tout le monde et le week-end on sort et on voit les copains. Je pense que le changement drastique arrivera le jour du départ.
Comment voyez-vous le futur (pendant et après votre voyage)? Est-ce que vous envisagez de travailler sur place ou plutôt de vivre sur vos économies?
Lors de notre voyage, on désire vraiment pouvoir profiter de toutes les facettes de la culture locale des pays qu’on visitera. Pour ça, on va combiner le tourisme et le volontariat. On s’est inscrit sur des plateformes qui mettent en relation des personnes désirant faire du volontariat et les personnes qui ont besoin de bénévoles sur place (WorkAway, WWOOF, …). Dans un premier temps, on compte vivre de nos économies et ne pas travailler sur place, à l’exception du bénévolat. Si on tient compte des montants renseignés par des voyageurs avant nous, nous savons normalement tenir une année complète, ce qui est notre objectif de base. Maintenant, nous ne fermons pas la porte à la prolongation de notre voyage après un an car on part vraiment du principe que tant qu’il y a de l’envie, on continue. Du coup, si à un moment donné de l’aventure, il est nécessaire de travailler, on le fera sans hésiter.
Pour l’après du voyage, c’est toujours un peu flou car finalement on ne sait pas de quoi demain sera fait et quel impact il aura sur nous. On va vraiment se laisser porter par les rencontres qu’on fera et les cultures qu’on va découvrir. Au fond de nous, nous savons très bien que ce voyage va nous changer du tout au tout mais on ne sait pas encore réellement quels aspects de notre personnalité ou mentalité vont changer. Grosse surprise au retour !
Comment se passe l’aménagement du van?
Pour être honnête, on en peut plus. Il est temps que notre gros Gus soit fini et qu’on puisse commencer cette aventure dont on rêve depuis si longtemps. Actuellement, on touche à la fin de l’aménagement ou, du moins, ce qu’on pouvait faire par nous-même. Il reste actuellement à finir les raccordements électriques et les raccordements gaz. On se fait aider pour ces deux points pour que tout soit parfait et qu’on ait pas de surprise (trop vite) sur la route.
Pour terminer, avez-vous des conseils pour les gens qui ont un projet similaire au vôtre et qui n’osent pas se lancer?
Honnêtement, foncez. C’est bateau mais au final n’est-ce pas uniquement ce qu’on devrait vous dire? Si vous avez une envie qui est là depuis longtemps ou qui vient de surgir à l’instant, si c’est pour votre bien-être ou votre sentiment d'accomplissement, pourquoi ne le feriez-vous pas?
Le plus dûr quand on se lance dans ce genre de projet, c’est l’opinion des gens. Vous allez vous confronter à des avis de toute sorte, qu'ils soient positifs ou négatifs. Cela peut impacter vos choix et la manière dont vous voyez les choses. Il faut écouter ce qu’on vous dit et faire le tri dans ce qui est bon à prendre et ce qui ne l’est pas.
Des remises en question vous allez en avoir chaque jour et, des fois, simplement pour des petites choses. Notre avantage est que nous sommes deux à nous lancer et qu’on peut en parler entre nous pour désamorcer une situation d’énervement ou de stress (et on vous promet, vous allez en avoir plus d’une!). Un conseil qu’on aimerait donner est qu’il faut s’entourer de personnes qui comprennent votre projet et qui vous aideront à le réaliser. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, que ce soit une demande d’expertise ou une demande de soutien moral.
En résumé, qui ne tente rien, n’a rien. Dans la vie, vous aurez des réussites et vous aurez des échecs également comme tout le monde. Mais au risque que ce soit un échec, au moins vous l’aurez tenté et vous n’aurez pas de regret !